Parmi les grandes figures spirituelles contemporaines, JIDDU KRISHNAMURTI rayonne d’un éclat particulier, celle d’une conscience éveillée, libre de tous systèmes.

Ainsi, tenter de présenter Krishnamurti (1895-1986) c’est se heurter, au départ, à la problématique  de le situer aux yeux des personnes qui, à juste raison, désire avoir des points de repères.
Une difficulté plus grande encore consiste à sortir des catégories où le placent certains commentateurs qui, le connaissant, s’imaginent bien faire en comparant son discours à des enseignements psychologiques ou religieux.

 Krishnamurti et son message peuvent être présentés comme un fait nouveau et unique, concernant directement les rapports de la conscience humaine et de l’Univers.

Directement branché sur la vie, dans son acception la plus simple, immédiate et totale, telle qu’elle s’exprime partout autour de nous, Krishnamurti dans sa parole, passe à travers les barrières psychiques qui nous emprisonnent. Il s’adresse à ce phénomène extraordinaire qu’est la Conscience, aussi vaste, aussi profonde que l’Univers lui-même. Avec lui, dans un raccourci instantané, la conscience d’être, échappe à ses conditionnements.

Jiddu Krishnamurti, tant par son enseignement que par sa personne même, représente un cas humain particulier : tour à tour adoré par les théosophes, et reconnu par les foules comme le dépositaire de toutes les vérités, considéré parfois, ce qui est plus grave encore, comme un personnage quelque peu supra-humain, une partie de son activité personnelle, et non la moins noble, consistera à démolir systématiquement les temples que les hommes s’acharnaient à bâtir autour de lui. Un tel cas humain est fort rare. Son entrée dans le monde se fit, bien malgré lui du reste, avec grand fracas. « Préparé » par les chefs de la Société Théosophique à une « mission future », il se trouva être, à quinze ans, le directeur spirituel d’une importante organisation, l’ordre de l’Étoile, groupant des membres dans le monde entier. Un peu plus de quinze ans plus tard, devant  la « fureur  adoratrice » de ceux qui venaient l’écouter, il devra dissoudre  cette organisation, qui risquait de limiter l’accès au processus d’éveil à une élite initiée. Cas humain exceptionnel que celui qui refuse les vénérations, les richesses mises à ses pieds, cas humain non moins exceptionnel que celui qui, dès l’âge de vingt ans, parlait de « libérer » les consciences en des termes si précis et si vivants, qu’après cinquante ans passés à parler aux hommes, aucun changement ni aucun revirement ne sont intervenus dans sa pensée. Il a dit avoir atteint un état intérieur où les changements n’interviennent plus, où la vie est perçue comme étant un perpétuel jaillissement, une perpétuelle nouveauté dont la paix cimente les apports à chaque seconde. Lorsqu’il lui a été posé la question de savoir comment c’était opéré ce changement en lui, il a répondu : « J’ai été fait simple »

Lorsque je participais à des entretiens avec Krishnamurti, à Saanen en Suisse ou mieux encore à Madras en Inde, il se passait un phénomène remarquable que je vais essayer de décrire.

Par exemple, dans le beau parc de la société théosophique de Chennai,  plusieurs centaines de personnes  venaient l’écouter.

Nous arrivions en avance pour « être bien placé ». La plupart  des auditeurs manifestaient de manière ostensible leurs différences.
Certains arrivaient en voiture de luxe, d’autres  affichaient les codes d’une attitude intellectuelle, des Sâddhu présentaient un air farouche, bouse de vache fraiche sur les cheveux, certains européens se haussaient du col, etc.
D’une voix douce, Krishnamurti commençait en interrogeant :        «  On what subject you want to talk today ? »

Puis il parlait et au fur et à mesure sa parole agissait sur nous. Nous avions le sentiment qu’il s’adressait directement, personnellement à chacun de nous, créant une introspection. Il se produisait alors un phénomène de lâcher-prise intérieur, un retour à la conscience d’être.
Et à la fin de l’entretien, nous repartions intériorisé, sans plus de distinctions entre nous, avec un sentiment d’humanité, nous étions, pour quelques moments, redevenus simples.

Boris TATZKY

When you observe something without any movement of thought, any movement of trying to change it, any movement to go beyond it, just watch so closely, without any sense of direction, motive, then the thing that you are watching itself undergoes a fundamental change. … Can you Watch your fear in this manner ?

From J Krishnamurti’s 4th public talk at Saanen 16th July 1978